Trous Noirs Et Coups De Cafard

Publié le par atwistinmystory

Le temps passe trop vite et mes souvenirs s'envolent. Certains parfois ressurgissent aux abords d'un rêve, le transformant bien souvent en cauchemar. Certains ressurgissent, je n'en avais tellement pas le souvenir que j'en viens à me demander si ça fait bien partie de la réalité ou si mon esprit me joue des tours.

Le temps passe trop vite, bientôt deux ans que tu n'es plus là. Le temps passe trop vite, voilà des siècles que tu as déserté ma vie. Ma mémoire me fait faux bond. Je ne peux même plus dire que je pense à toi à chaque seconde, ce n'est pas vrai. Je pense à toi chaque jour, à un moment ou à un autre, mais pas à chaque seconde. La douleur ne s'atténue pas avec le temps, c'est faux, elle restera vive et bien présente, quoi qu'il advienne. Elle ne s'efface pas, mais on s'occupe pour ne pas y penser, essayer de l'oublier. On ne l'oublie pas, mais on réussi à se la sortir de l'esprit pendant quelques instants.

Ce soir, c'est différent, ce soir, c'est difficile. Ce soir, j'ai ravalé mes larmes. Une fois de plus. Vais-je le pleurer toute ma vie mon papa disparu ? Disparu. Ca sonne faux, ça sonne creux, comme une illusion, un mauvais tour de magie. Comme s'il pouvait réapparaître un jour ! Non, il est mort. Incinéré. On a brûlé son corps et dispercé ses cendres, je les ai vu s'envoler quand le maître de cérémonie a lu son poème à la con. Ce souvenir restera ancré à jamais, cette horrible journée, ton corps allongé dans ce cercueil, paisible, comme endormi, ton visage que je n'avais pas vu depuis des années, que je ne verrai plus, ton cercueil clos avec toutes nos mains entrelacées et nos pleurs, et puis les cendres qui s'envolent. Fini, fin de l'histoire, on rentre à la maison, on passe à autre chose et on retourne travailler.

On retourne travailler, et puis on ne dort plus, les premiers mois on y pense sans arrêt, dés qu'on ferme l'oeil on voit ton visage et tu reviens parmis nous comme si rien de tout ça ne s'était passé. Avec le temps, les cauchemars s'estompent, et tu ne visites quasiment plus mes rèves.

Et parfois, des flash-back me reviennent. Toutes ces choses que j'avais préféré oublier, toutes ces choses qui ont fait naître en moi une profonde terreur, au point de ne plus vouloir te voir, d'avoir peur de partir en vacances chez toi.

Je ferme les yeux, j'ai un flash. Un voiture, une course poursuite, un dérapage, un homme menaçant, tu accélères et on est tous les trois dans la voiture avec toi. Comme d'habitude, tu as bu. Je suis terrorisée. Fin du flash. Je n'arrive pas à me souvenir ce qu'il s'était passé ce jour-là. Qu'est-ce que tu lui avais fait, à cet homme, pour qu'il te poursuive ? Pourquoi est-ce qu'on était avec toi? 

Second flash, je n'y comprends rien, il est trois heures du matin et tu me réveilles en me secouant, l'haleine chargée d'alcool. Ta copine est dans la chambre, elle a bu elle aussi, vous vous disputez, dans ma chambre. J'ai onze ans, et je veux juste dormir. Elle me jette un paquet cadeau à la figure : "Tiens, c'est pour toi, mais ton père me dit que tu n'en veux pas". Effectivement, j'aimerais simplement dormir. Et là, je vois ta main percuter son visage. Fin du flash. A croire que je me suis rendormie au moment où tu l'as frappée.

Ces souvenirs me reviennent, par bribes, dans mon sommeil la plupart du temps. J'y pense sans arrêt.

Heureusement, heureusement, j'ai tout un tas de trous noirs, des trucs dont je ne me souviens pas, et c'est tant mieux. J'ai aussi des beaux souvenirs, faut pas croire ! Mais faut toujours qu'on se sente obligé, quand quelqu'un meure, de ne ressasser que le bon. Les gens font de mauvaises choses aussi parfois, c'est important de ne pas oublier, pour ne pas reproduire. Ah oui, c'est ça, la grande peur de la fratrie, ne surtout pas reproduire, ne surtout pas reproduire, ne surtout pas reproduire...

Publié dans Le mot de l'auteur

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